Gérer les imprévus | Ash

Ce soir, y'a quelque chose qui cloche. Difficile de mettre le doigt dessus, mais le showman a préféré s'enfermer dans la salle d'entraînement pour répéter pour la millième fois son numéro et se calmer. Ce n'est que son imagination n'est-ce pas ? Il est en sécurité ici. Il sait qu'il est protégé, d'une certaine manière. Il peut compter sur Ash pour ça. Il ne veut pas d'embrouille. Il fait toujours les choses bien. Tout pour que le show soit mémorable n'est-ce pas ? Mais ça fait plusieurs soirs que cette bande se pointe. Ils sont jeunes, ils veulent s'amuser non ? Hicham n'en est pas tout à fait sûr. Les femmes oui, ils les regardent, leur donnent des pourboires. Mais lui, il n'a pas intérêt à être dans leur champ de vision sans sentir une certaine forme d'hostilité. Ils sont pas nombreux les strip-teaseurs, mais jamais il n'a ressenti ça auparavant.

Ce serait pas la première fois qu'il se fait tabasser faut dire. Sauf qu'il peut pas vraiment se permettre de payer les frais médicaux supplémentaires avec ce qui vient de lui tomber dessus. Alors l'angoisse monte et il est impossible de lui parler sans qu'il ne s'énerve. Jamais on ne le voit si nerveux d'ordinaire et les filles s'inquiètent. Jusqu'à frapper à la porte du boss pour lui dire que Hicham a un drôle de comportement. Les videurs vont faire leurs boulots non ? C'est l'heure de monter sur scène. Tant qu'il est dans la lumière, tout se passe très bien. Mais dès qu'il en sort, qu'il vient prendre un verre au bar pour repérer des clients potentiels, la bande l'encercle. « Je peux faire quelque chose pour vous ? » Celui qui semble le plus dégourdi s'adresse à lui, avec un regard mauvais. « Ouais tu pourrais dégager. Minable petit pédé. » Y'a pas à dire, ça sent les ennuis. Il est déjà en train de se lever, ne voulant pas d'embrouilles mais à peine ils leur tournent le dos qu'il se prend un crachat dans le dos.

Hicham sert les poings cherchant du renfort. Il aperçoit Ash et fonce vers lui, espérant trouver un certain secours sauf qu'il n'arrive pas à l'atteindre, on lui fait une clé de bras, on pose une mais sur sa bouche pour l'empêcher de crier et en deux-deux, profitant que les lumières soient tamisés, on le sort du bar pour le piéger dans une ruelle. Qu'est-ce qu'il peut faire à un contre quatre au juste ? Il retrouve son souffle quand la main se retire de sa bouche et il s'écarte de son mieux sous les rires inquiétants. Ils n'aiment vraiment pas leurs regards. Mais s'il crie à l'aide maintenant, c'est même pas sûr qu'on puisse l'entendre. Pourquoi faut-il toujours qu'il se retrouve dans des situations pareilles ?

Je suis là, dans mon foutu bureau, une bombe blonde posée juste là, à croquer. Mes doigts glissent le long de sa jambe, un sourire complice se dessine sur ses lèvres. Mais bien sûr, faut que quelqu'un vienne gâcher le plaisir. Amanda débarque, m'embêtant avec ses soucis pour Hicham. Ouais, il est un peu tendu ces temps-ci, mais ça ira, je m'en occuperai plus tard. Elle roule des yeux en sortant, et je me retourne vers la blonde. Putain, l'ambiance retombe direct. Je lui promets qu'on reprendra ça bientôt, la tapote légèrement sur les fesses pour la faire sortir du bureau, et retourne à mes affaires.

Je fais le tour habituel du club, saluant les clients, vérifiant que tout tourne rond. Le show de Hicham est en cours, il envoie du lourd comme toujours. Mais je repère une bande de jeunes avec des regards pas très sympas dirigés vers lui. Ça sent la merde à plein nez.

Un client régulier vient me demander un truc spécial avec la nouvelle. Je refuse cash. "C'est aux filles de décider" je lui balance. Jette un œil à la scène et Hicham a disparu. Merde, qu'est-ce qu'il fout encore ? J'attrape le bras de Sandy, notre serveuse.

"Sandy, t'as vu où est passé Hicham ?" Elle hésite, puis avoue l'avoir vu se faire emmener dehors par les jeunes. Probablement pour un "show privé". Je secoue la tête. Hicham n'est pas du genre à jouer avec ces cons-là. Je m'énerve et traverse le club en trombe, bousculant quelques clients sur le chemin. J'ouvre la porte de la ruelle en furie. Là, je le vois, Hicham, entouré par ces petits merdeux. Mon sang ne fait qu'un tour. Personne ne fout la merde chez moi sans payer le prix.

"Hey, les gars ! Vous vous croyez chez vous ici ?" Les types se retournent, surpris. Je suis là, debout, les poings serrés, prêt à faire saigner. "Lâchez-le, maintenant, et vous aurez moins mal demain matin." Un des types, le plus dégourdi, ricane. "Qu'est-ce que tu vas faire, vieux ?" Mon sourire est sans joie. "Vous avez aucune idée de qui vous emmerdez." Je fonce et envoie le premier au tapis d'un direct du droit. Le deuxième me lance une chaise, que j'évite d'un bond avant de lui envoyer un coup de pied bien placé. Le troisième tente de m'attraper, mais je le projette contre le mur sans ménagement. Le quatrième recule, terrifié. "Ok, ok, on s'en va !" Ils s'enfuient comme des rats.

Je prends Hicham par l'épaule pour l'aider à se relever et le ramène à l'intérieur. Une fois à l'intérieur, je le regarde droit dans les yeux. "Ça va ? Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? Faut que je leur fasse une visite ?"

Pétrifié dans cette ruelle, il voudrait crier mais n'y parvient pas. L'un se place dans son dos et plante une aiguille dans son cou. Le danseur panique. «  Qu'est-ce vous faites ? » C'est plus fort que lui, il faut qu'il reste poli, même dans des circonstances pareilles. Il porte sa main à sa gorge quand on le libère et il regarde ses interlocuteurs, la peur dansant dans ses yeux alors qu'on le pousse au sol. Il reçoit une première droite, gratuite, qui vient le sonner. Le monde tangue et il reçoit aussi une pluie de coups de pied dans les côtes qui finissent par lui faire tousser du sang.  Le visage crispé, il prie juste pour que ça s'arrête. Est-ce que son vœu est exaucé ? Au milieu des insultes et des coups, il aperçoit le grand blond barbu qui lui sert de patron. Il sait tout de suite que ça va s'arranger et cache son soulagement. Si Asher est là, il est enfin en sécurité.

Il les remet à leur place. D'abord par les mots, puis par des coups bien plus puissants que ceux qu'il a reçus. Est-ce qu'il s'autorise à sourire en regardant la scène ? Il intercepte un regard mauvais sur lui mais Hicham reste confiant et tous, un à un, se font dissuader de l'emmerder de nouveau. Est-ce le seul langage que comprennent ses brutes ? Il en frémit, indigné. Pourquoi le monde ne peut pas être fait que d'adeptes de mode, de bon whisky et de danse ? Ce serait un environnement bien plus agréable selon lui. Mais la vie est autrement et il accepte l'aide de son sauveur pour se relever et titube un peu, se tenant les côtes. En quelques pas, il est de nouveau dans le club et il s'assoit sur la première chaise venue, reprenant son souffle. Ash ne rigole pas. Sa question se répercute en lui, aussi puissante que les coups qu'il a subi et vu pendant cette rix à laquelle il n'a jamais voulu participer. « Ca va, je crois. C'est juste qu'ils m'ont injecté un truc… J'ai peur de ce que ça peut être. Tu pourrais faire venir un docteur ? »

Il attrape ensuite une serviette en papier pour essuyer le sang qui a coulé de sa bouche. Simple lèvre coupé par le coup de poing ? Ou est-ce que les dégâts sur tes côtes sont plus importants qu'il ne l'a estimé. A priori, il peut les toucher sans hurler de douleur. Il a déjà eu des côtes cassées. Là, ce n'est pas le cas. Il se sent juste bizarre. Il a de plus en plus chaud sans la moindre raison. « Je pense que je vais pouvoir danser rapidement. J'ai rien de grave. Mais je t'assure que j'ai rien fait ! Je crois que c'est juste… ce que je suis qui les dérange. Tu pourrais leur interdire de revenir sans forcément les menacer ? » Il a espoir que ça n'aille pas trop loin. Sauf que bien sûr, c'est le patron qui décide. Il a un petit sourire triste après s'être massé la joue. « Merci de m'avoir sorti de là en tout cas. T'es vraiment le meilleur boss qui soit Asher.  » Un sourire qui brille jusqu'à ses yeux, empli de reconnaissance. C'est vrai que c'est un bon danseur. Sans doute, il ne le perçoit que l'un de ses bons éléments ici. Mais il sait qu'ailleurs, il aurait pu être traité différemment. Il pourrait protéger que ses filles et pas lui. Pourtant ici, tout le monde compte et c'est ce qui le pousse à rester. Il aime sa vie au Busty Peaches. A quelques détails prêts qu'il préfère oublier.