Scène de ménage | Gabriela

Au bout du compte, elle ne sait pas si reprendre sa liberté était une si bonne idée. Elle souffrait, ce divorce l'a aidé à ouvrir les yeux. A mieux comprendre ce qu'elle vivait, ce qu'elle supportait à cause des choix qu'elle avait fait. Alvaro est un homme qui a pris soin d'elle, d'eux et de tout ce qui les concernaient. Jamais elle n'a trop eu son mot à dire. Mais c'était aussi un confort dans lequel elle s'était réfugiée. Gérer sa vie d'adulte, ce n'était pas aussi simple que ce qu'elle aurait pensé. Elle mélange tout, oublie tout, est incapable de se souvenir toute seule de ses rendez-vous. Heureusement qu'elle n'est plus mannequin ! Alvaro était aussi son manager donc il s'occupait de tout cela et c'était bien pratique. Mais qui manage sa vie maintenant ? Elle doit se rendre à l'évidence, c'est sa fille. Gabriela ne se plaint jamais mais elle porte énormément de choses depuis le divorce. Cet appartement est davantage le sien que celui d'Avril. Elle n'y retrouve jamais rien.

Pour oublier toutes ses nouvelles préoccupations, elle a plongé la tête la première dans une vie de jeune adulte, d'étudiante qu'elle n'a jamais eu. En travaillant au refuge, elle s'est fait plein d'amis qui ont la vingtaine, l'âge de sa fille en quelque sorte. Et voilà plusieurs mois qu'elle sort quasiment tous les soirs. Il ne faut pas compter sur Avril pour faire les courses. Ni pour cuisiner, ni pour faire le ménage. Elle dépend des autres, tout le temps. Est toujours en retard ou paniqué. Puis après toutes ses gueules de bois, elle a toujours besoin qu'on s'occupe d'elle parce qu'elle tombe régulièrement malade. Heureusement, son nouveau travail n'est pas très regardant là-dessus, mais son comportement s'aggrave. Voilà trois jours qu'elle a passé chez Vera, sans donner la moindre nouvelle. Puis elle débarque comme une fleur, ce mardi matin vers 7 heures.

« Salut. » Dit-elle d'une voix éteinte, s'approchant de sa fille pour une étreinte. Mais celle-ci n'a pas l'air d'humeur. Avril ne s'en rend pas compte tout de suite. Elle fronce les sourcils. « J'étais chez Vera. Mon téléphone avait pu de batterie et personne n'a le même chargeur que moi… » Elle réplique pour se justifier de son silence. Elle avait besoin d'être ailleurs. Gabriela est toujours à parler de son ex-mari et ça lui fiche le bourdon. Elle ne veut plus de lui dans sa vie, non, c'est trop douloureux. Même si c'est d'une manière inconsciente, elle évite le sujet. Sa fille est superbe, si jeune et pourtant déjà si forte. Pourquoi elle n'a jamais eu la force de Gaby ? Est-elle un peu jalouse d'elle ? Elle insiste. « Tu m'en veux ? » Elle tient à peine sur ses jambes. Elle a certainement bu pendant son absence. Une mauvaise habitude qui commence à la détruire. Mais l'alcool aide à oublier tout ça. C'est ce dont elle a besoin, non ? Alors pourquoi ce regard lourd de reproches ?