[Terminé] Un fantôme du passé | Joy

Tu ne pensais pas te plaire autant à Glenshade. En fait, tu n'avais pas prévu de rester plus d'une semaine ou deux. Bien sûr, cette ville t'a vu grandir, elle te connait par cœur et tu pensais que la nostalgie n'avait pas sa place dans ton quotidien. Mais après tous ses voyages, tu ressens enfin le besoin de te poser quelque part. La décision n'est pourtant pas facile à prendre car une fois établi quelque part, il faudra être bien plus discrète sur tes activités disons… annexes. En attendant, il faut que tu continues d'alimenter tes réseaux sociaux et tu as décidé de faire une virée au lac pour avoir de magnifique paysage à photographier. Avec en bonus quelques selfies en bikini pour les like, tu connais la chanson. Bien sûr, tu te débrouilles mais non, ce n'est pas ton activité d'influenceuse qui te donne ce train de vie, hélas. Tu dois tricher un peu. Mais tant que ça ne fait de mal à personne, ça ira non ?

Tu te gares et découvre qu'il y a encore beaucoup de monde, même pour un début d'automne. Le vent est bien présent mais le soleil reste adoucir la température et la vue sur le lac est superbe. Des groupes d'amis, des familles se pressent pour aller réserver des vélos ou des canoës. D'autres partent dans les sentiers pour des randonnées. C'est agréable cette agitation. Tu n'as jamais eu peur de la foule, mais tu préfères nettement celle de Glenshade à celle de Pékin. Il te faut un peu d'air tout de même. Tes lunettes de soleil sur ton nez, tu cherches le meilleur spot pour une première série de photos. Puis une autre. Puis comme tu as ce qu'il te fallait, tu te laisses aller à chercher de quoi se sustenter. Il y a tant de monde qu'il y a la queue devant le vendeur de boisson. Tu t'y engages, te perds sur ton téléphone avant de reconnaître un rire juste devant toi. Ton cœur s'arrête. Tu fais les yeux ronds, incapable de cacher ta surprise. Là, juste devant, tu reconnaîtrais cette brunette entre mille. Tu ne réfléchis pas une seconde et ouvre la bouche et t'exclame. « Joy ? » Peut-être la déranges-tu ? Peut-être pas. Mais tu t'en fiches, tu n'arrives tout simplement pas à le croire. « Joy ! C'est bien toi ?  » Tu retires tes lunettes de soleil, découvrant tes grands yeux clairs pour les planter dans les siens, espérant partager ta joie de la retrouver ici, contre toute attente, huit ans après vos adieux forcées.

C'est comme dans un rêve. Tu n'as rien oublié. Joy. Ce visage d'ange, cette peau parfaite, cette cascade de cheveux bruns. Mais non, elle n'est pas tout à fait comme dans tes souvenirs. Tu te rappelles d'une jeune femme enjoué, avec une lueur de malice dans les yeux. Mais là, elle est scotchée sur place. Tu dois lui faire l'effet d'une revenante. Mais tu ne perds rien de ta spontanéité. Car même si elle semble mal à l'aise, tu passes par dessus pour lui montrer que tu ne la laisserais pas te repousser. Jamais. Pas maintenant que vous êtes réunis, huit ans après. Tu fais un pas vers elle pour la prendre affectueusement dans tes bras. « Oh ! J'en reviens pas ! Je suis revenue il y a quelques semaines à Glenshade… » As-tu l'occasion de sentir son ventre ? Ou tu t'es trop penché pour simplement étreindre ses épaules et ne pas t'en apercevoir ?

On ne peut plus retirer ton sourire de tes lèvres, tu t'excuses auprès de la personne avec qui elle parlait et vous restez côte à côte dans la file d'attente qui avance. «  Oh ma chérie… » Tu dis avec ton extravagance habituelle, le cœur battant. Pour toi, ses mots avaient pris une tournure qui était bien au-delà de l'affection. Mais tout s'est terminé si brutalement. « C'est fou de se retrouver ici ? Tu n'es jamais partie ? Qu'est-ce que tu fais de beau ? » Comme toujours, tu es la plus bavarde. Tu étais la plus âgée après tout. Mais maintenant, cette différence devrait être moins importante ? Joy doit avoir changé. Tu veux découvrir comment. Elle a toujours été une graine de femme formidable. Tu ne doutes pas qu'elle ait un avenir radieux devant elle, même loin de toi. C'est votre tour de commander et vous régler vos boissons avant de vous éloigner pour trouver un banc face au lac non loin de là. Tu la regardes dans les yeux, tu ris, enjouée par les retrouvailles. Tu joues avec tes cheveux, sirotant ton bubble tea avec gourmandise. C'est une sacrée surprise que la vie te fait, de la remettre sur ton chemin. Mais peut-être n'avez-vous plus rien à vous dire ? Peut-être t'en veut-elle d'être partie ? Une ombre inquiète passe sur ton visage alors que tu reviens à la conversation. Non. Il n'en est rien, pas vrai ?

Ta jolie Joy. Elle est toute étonnée de te voir de retour. Cela se sent dans sa question quand tu la serres dans tes bras. Mais ces quelques mots mettent aussi en lumière votre terrible séparation. Tu es partie du jour au lendemain, sans donner la moindre nouvelle. Elle n'a pas envisagé que tu puisses revenir et cela te sert le cœur. Tu étais abattue, fâchée contre le monde et c'est elle qui a dû le plus en souffrir. Par ta faute. Et toi tu la serres joyeusement dans tes bras comme si de rien n'était ? Son manque de réaction te remet un peu les pieds sur terre et tu te racles la gorge, perdant ton sourire, quand vous vous mettez à parler un peu plus sérieusement. Tu apprends qu'elle a fait des études à Miami et qu'elle revenait toujours voir sa mère pendant les vacances. Si sérieuse et proche de sa famille. Tu la retrouves bien là. Tu reviens huit ans en arrière en lui parlant et vous vous éloignez, avec vos commandes en main pour aller déguster vos en-cas.

Elle déclare avoir besoin de souffler et tu lui trouves une petite mine. Puis ton regard descend sur sa silhouette et tu remarques enfin l'évidence. Sauf que tu préfères faire comme si de rien n'était. Une drôle de tension flotte dans l'air. Tu l'intimides comme avant. Trop de questions explosent dans ta tête et tu n'as aucune idée de par où commencer. Heureusement, c'est Joy qui te tend la perche pour que tu puisses répondre. « Pour ma sœur. Dixie est revenue vivre ici il y a quelques mois et elle est enceinte. J'ai voulu l'aider avec Azalea, ma nièce qui a 8 ans pour qu'elle se repose un peu. » Tu lui expliques toute l'histoire en mordant dans ta paille pour déguster ton bubble tea. Ton regard est plus fuyant. Toi qui était si enthousiaste en la revoyant, tu commences à ressentir tout ce que tu as laissé derrière toi en partant loin d'elle. « Tu as fait quoi comme étude en Floride ? » Est-ce indiscret ? Tu es perdue dans tout ce que tu ressens et ton regard va de la jolie brune au lac immense dans lequel tu as l'impression de te noyer.

Phoebe, pourquoi tu te sens si mal tout à coup ? Les études tu aurais bien aimé en faire. Tu es jalouse ? C'est parfaitement déplacé ! Et pourtant, tu ne te retiens plus, luttant contre ton propre dégoût de toi-même qui prend toute la place, comme d'habitude. « J'imagine que tu t'y aies trouvé un p'tit copain ? » La question est pleine de colère et tes yeux glissent sur son ventre. Tu as beaucoup de mal avec la bisexualité. Tu le prends comme une trahison. « Je pensais pas avoir si peu compter. » Ton ton est sec. Cassant. Tu en trembles de rage car tu ne sais pas faire autrement. Joy t'a oublié. Joy a continué d'avoir une vie. Elle s'est reconstruite. Elle a aimé quelqu'un d'autre. En fait, tu as tellement occulté votre histoire de ta mémoire que tout émerge d'un coup sans que tu ne puisses rien contrôler. Et tu la fixes d'un air accusateur, impérieuse, te faisant passer pour la victime alors que comme toujours : c'est toi le bourreau.

C'est étrange de retrouver Joy. En fait, tu ne t'y attendais pas. Peut-être même n'as-tu jamais pris le temps de faire le deuil de cette histoire. Tu étais fâchée contre le monde entier. Et d'être privée de celle que tu aimes, en ne sachant pas quand tu allais la revoir, avait été une rupture déchirante. Par extension, tu lui avais infligé en ne lui donnant aucune explication. Car pour toi, il n'y avait rien à dire de plus. La discussion se poursuit sans heurt. Joy fait rapidement le rapprochement entre l'âge d'Azaléa et le moment où la famille Kara est partie de Glenshade. Tu acquiesces, sans entrer dans les détails mais déclarant simplement. « Elle ne savait pas encore qu'elle était enceinte mais oui… c'est à ce moment-là.  » Tu ne veux pas repenser que le connard qui l'a mise enceinte et le même qui a renouvelé la chose une seconde fois. C'est si difficile de mettre une foutue capote bordel ? Les hommes, et en particulier celui-là, sont vraiment des gros connards égoïstes selon toi.

Tu l'interroges sur les études qu'elle a faites et tu as un sourire nostalgique quand elle te parle de sa passion pour l'océan. Cela te fait ressentir un frisson de joie quand elle évoque ce sujet. « Bien sûr, tu es faite pour ça. » Et tu la revois te parler pendant des heures de ce qu'elle a appris dans un reportage ou dans un livre. Tous les accessoires du quotidien qu'elle choisit toujours dans ce thème et qui la poursuit partout. Jusque dans les cadeaux qu'elle te faisait, avec toujours une carte accompagnée d'un symbole marin qui te faisait penser à elle. Tant de souvenirs. Tant de bonheur. Cela te fait presque monter les larmes aux yeux d'un coup, mais tu refoules tout cela. Et en apercevant son ventre, tu finis par changer de nostalgie en colère. Tout cela se passe si rapidement. Il n'y a qu'elle pour te faire cet effet-là. Donc tu te fais amère. Méprisante même. Car avant, cette culpabilisation fonctionnait sur la jeune Joy, avide de ton attention, qui avait peu confiance en elle et te suivait aveuglément, toi la jeune femme plus âgée qui l'avait choisi pour amoureuse. Mais cela ne se passe pas comme tu l'avais prévu.

Joy lève un doigt accusateur dans ta direction et un nouvel aplomb transparaît dans sa voix alors qu'elle te fixe et vide son sac sans ménagement. Elle te balance qu'elle a été sept ans seule avant de trouver un homme. Avec aigreur, elle fait remarquer son absence et s'accuse d'avoir encore une fois fait confiance à quelqu'un qui l'a abandonnée. Tu es choquée par ce qu'elle te confie et tu ouvres la bouche, comme pour reprendre de l'air, incapable de lui répondre sur le coup. Tu restes sans voix devant ses larmes et son visage crispé par la colère. Joy n'a jamais réussi à se mettre sérieusement en colère sans pleurer. Elle est tellement belle. Tellement vulnérable. Ton cœur se brise en deux devant ce spectacle. Tu prends conscience du mal que tu lui as fait et cela te fait l'effet d'une gifle. Ton corps est figé, bloqué dans l'indécision de partir en courant et l'envie de faire un pas vers elle pour commencer à réparer ce que tu as brisé.

A la place, tu poses une main sur ta bouche, encaissant la nouvelle et la tristesse qui te submerge. Mais fidèle à toi-même, c'est la colère qui reprend le dessus. «  Putain mais QUEL ENFOIRÉ ! Joy… Tu ne mérites pas ça ! Donnes-moi le nom de ce TROU DU CUL que je lui en colle une ! » Tu beugles, tremblante, comme si tu ne faisais pas partie de l'équation et comme si les reproches à ton égard ne comptait pas. Tu gères les choses comme tu le peux.  Tu fronces les sourcils, les poings fermés. Tu as détruit le gobelet de ton bubble-tea qui a explosé dans ta main et que tu abandonnes dans la poubelle la plus proche en essuyant ta main dans un mouchoir. Tu en trembles de rage. Mais tu t'aperçois que tu pleures aussi. Cela fait couler ton maquillage alors tu te détournes et passe le mouchoir sous tes yeux, n'osant pas affronter son regard. « Sérieux… Je t'avais prévenu que les hommes étaient des abrutis. Tu en as la preuve maintenant ? » Mais ta voix se brise dans ta gorge. En fait, tu n'arrives pas à réprimer cette tristesse infini qui te submerge.

« Putain Joy ! T'es une fille brillante ! Tu as tout pour être heureuse. Je pensais que sans moi, ce serait plus facile pour toi d'y arriver. » Puis à travers tes larmes contenues, il y a l'ombre d'un pauvre sourire que tu lui offres. Car tu n'arrives pas à faire abstraction de tout ça. Joy. Elle a été le centre de ton univers sans que tu puisses franchement lui dire car tu es trop fière pour ça. En fait, tu es vraiment déçue qu'elle soit si malheureuse. Tu compatis à ce qu'elle a vécu. Mais elle, voudra-t-elle de ta pitié après tout ce temps ? Elle a changé. Elle a mûri. Peut-être aujourd'hui est-elle une adulte plus responsable que toi et la différence d'âge n'a plus aucun sens entre vous. Est-ce que vous êtes vraiment en train de vous disputer sur ce banc en face du lac ? Ton cœur est en fête de l'avoir retrouvé. Mais il est aussi meurtri parce que tu viens d'apprendre et se gonfle de compassion. Si elle te rejette maintenant, tu n'as aucune idée de ce que tu pourrais ressentir. Et pourtant, tu l'aurais certainement bien mérité.

Quand elle suppose que Dixie a été violée, une lueur de méchanceté brûle dans tes yeux clairs. Entre tes dents tu retiens de dire "Non, mais j'aurais préféré" pour dissiper son doute avec la vérité. « Non mais c'était une aventure sans lendemain. » Tu soupires et croises les bras. « Sauf que Di est amoureuse de lui, l'a revu et lui a parlé de sa paternité et bien sûr, c'est du même connard qu'elle est à nouveau enceinte aujourd'hui. » Voilà pour le récapitulatif de l'histoire. Peut-être qu'elle ne voit pas pourquoi je n'aime pas parler de ce gars ? « C'est qu'un putain de coureur. J'ai pas confiance en lui pour rendre ma sœur heureuse. C'est… délicat. » Puis votre conversation a un joli haut, puis un sacré bas. Un bas qui vient presque te gifler. Oui il y a eu un homme mais celui-ci est parti. Pourquoi toutes les femmes enceintes qui font partie de ta vie le sont à cause de gros enfoirés, incapable de prendre leur responsabilité, hein ? Entre colère et tristesse, tu te perds et ne sais plus quoi choisir.

Joy se met sur la défensive et croise les bras aussi, faisant cette moue si charmante qui te désarme d'ordinaire en t'avouant qu'elle ne peut plus avorter. Cela te redonne un coup de massue et tu l'écoutes jusqu'au bout. Tes reproches ne l'aident pas, au contraire et elle te renvoie mot pour mot dans la figure pour que tu comprennes que tu n'es pas sur la bonne voie. Sa déclaration te sied les jambes et tu as l'impression de ne plus avoir de force. Le monde se met à tanguer. Joy, ta si précieuse Joy. Elle ne voyait pas sa vie sans toi et toi, tu es tout simplement partie. La belle s'assoit sur le banc, dépitée. Elle pleure en te reprochant d'être partie. Toi tes yeux sont secs mais tu n'en reviens pas de ce spectacle. Tu ne l'as jamais vue si triste. Jamais vue si désemparée. Tu as l'impression que le ciel t'es tombé sur la tête, pour une fille que tu as tenté de ton mieux d'oublier ses dernières années. Elle est là, toute proche. Et elle vient de te dire à quel point elle a besoin de toi.

Tu restes toute droite, la gorge serrée. Plutôt que de t'enfuir, tu finis par t'asseoir à côté d'elle en restant fière, comme la princesse que tu es en toute circonstance. Est-ce une façade pour te protéger ? Tu n'oses pas la toucher. « T'es pas seule. » Ta voix est enrouée. Nouée par l'émotion mais tu te racles la gorge. « Je peux pas revenir en arrière… Quand je suis partie, j'ai pas eu le choix. Je me sentais pas de rester ici et de m'assumer toute seule. Il me fallait un nouveau départ pour… grandir ? Je voulais pas te quitter. J'ai été lâche. J'ai pensé que ne plus te parler serait le plus simple pour nous deux. Car si on avait eu une relation à distance, je n'aurais jamais su quand je rentrerais. Si je rentrerais à Glenshade un jour. Je voulais pas t'infliger ce genre d'espoir qui meurt à petit feu. » Tu te rends compte que t'as sacrément merdé en la regardant pleurer. Tu te sens si impuissante et coupable à la fois. « Mais j'aurais dû t'en parler et te demander ton avis. J'ai fait les choses toutes seules… tu me connais.  » Tu as un sourire triste mais tu ne sais pas si elle osera te regarder.

Tu continues ton laïus. « Juste pour dire… que je vais rester à Glenshade quelques mois. J'ai pris cette décision pour suivre l'état de santé de ma sœur. Si tu as besoin… je suis là. Je sais pas comment je peux t'aider… » Ta voix se brise lorsque tu prononces ses derniers mots. Tu as des larmes à nouveau qui font couler ton maquillage et tu te tournes tout à fait vers elle. « Merde à la fin ! J'comprendrais que tu veuilles plus me voir… Mais je peux plus faire comme si on se connaissait pas… Joy… Tu m'as… tu m'as tellement manquée…  » Alors là, tu baisses carrément la tête pour que tes larmes coulent sur tes cuisses, la honte plein les joues. Tu pleures peu. Mais tu pleures comme une enfant avec les épaules qui tremblent par accoup. Elle vient de t'ouvrir son coeur. Tu ne peux que faire de même en te rendant compte de l'étendue des dégâts. Tu peux pas laisser Joy comme ça. Pas sans lui proposer ton aide. Tu oses à peine croiser ton regard. Mais elle est la seule qui ait vraiment compté depuis tout ce temps. Et tu es bouleversée de la découvrir dans une situation pareille. Et cela fait tomber toutes tes barrières bien malgré toi.

Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que tu fous ? Joy te perce à jour. Joy te connait par coeur. Tu ne peux rien lui cacher. En exposant ta haine évidente vis-à-vis de l'irresponsable qui s'amuse à mettre ta sœur enceinte sans lui vouer un amour sincère et respectueux, ta chère Joy cherche le positif. Te demande de l'accepter pour Dixie. Mais c'est impossible ! Tout ton être aurait envie de brûler vif ce connard, bien qu'il soit le père d'Azalea. C'est la voix de la raison qui te fait face. Mais de là à accepter leur relation ? C'est un trop grand effort. Trop de faux semblants et de choses qui te dépassent. Même si tu sais, bien sûr, que tu n'as pas d'autres solutions car sinon tu perdras ta sœur, ta nièce et son enfant à venir de tes relations et ça, tu ne te le pardonneras jamais.

Tu te laisses emporter dans tes émotions. La colère et les reproches laissent place à la tristesse sincère et aux retrouvailles ratées que tu lui offres. Tu oses enfin dire ce qui s'est passé. Pourquoi tu as coupé les ponts. Et les larmes coulent sur tes joues alors que tu ne veux pas te donner ainsi en spectacle. Mais c'est trop ! Joy, enceinte d'un type qui l'a laissé tomber ? Comment ? Pourquoi ? Tu n'as jamais voulu qu'il lui arrive ça ! Alors tu prends toute la culpabilité du monde sur tes épaules. Si tu n'étais pas partie, peut-être que ça ne lui serait jamais arrivé. Alors que c'est Joy qui devrait te laisser en plan pour t'humilier une bonne fois pour toute, c'est au contraire elle qui sèche ses larmes et se penche vers toi pour te réconforter. Tu es complètement figée, perdue dans sa réaction qui crève ton cœur par sa sincérité. Une relation à distance était possible ? Tu aurais dû lui en parler ? Tu n'oses que tourner la tête pour plonger tes yeux dans les siens, de plus en plus perdue. Et reconnaissante. Comment réussit-elle toujours à guérir les maux de ton cœur que toi-même tu ne comprends pas ? Voilà de qui tu étais amoureuse. Joy, ta magicienne.

Tu poses ta main sur ta bouche lorsqu'elle t'avoue qu'elle te veut de nouveau dans sa vie. Ton cœur explose. Il ne peut pas se relever après une phrase pareille, dit avec les plus beaux yeux du monde. Elle essuie les larmes à tes yeux patiemment. Elle te demandera de l'aide si elle en a besoin. Oh ta Joy, si forte, si déterminée. C'est elle qui t'a toujours donné des leçons. Il n'y a pas besoin de se cacher derrière un masque de mépris pour être puissante. Joy, avec sa douceur et sa compassion, l'a toujours été bien plus que toi. Sans hésiter une seconde de plus, tu passes tes bras autour de son cou pour une étreinte chaleureuse où tu souris. Des larmes de joie se mêlant à celles de ta tristesse. « Et… tu restes dans la mienne. » Est-ce vraiment possible ? Restera-t-elle si elle sait ce que tu fais pour vivre ? Qui se cache vraiment derrière la nouvelle influenceuse que tu es devenue ? Tu ne veux pas y penser. Tu profites de sa chaleur, de son odeur qui t'a tant manqué. Puis tu pleures encore et enfin les larmes se tarissent.

Tu brûles d'envie de l'embrasser. D'être à nouveau à elle et elle, à toi. Comme avant. Ton cœur brûle de cette espérance que tu n'avais jamais osé envisager. Mais ce serait prématuré ? Tu t'en fiches. Avec Joy, tu as toujours été toi-même. Fougueuse et montrant ta reconnaissance avec la passion qui t'habite à son égard et qui ne t'a jamais quitté. A peine t'écartes-tu de son étreinte que tu poses tes lèvres sur les siennes avec possession, envie et impudeur. Pour un baiser dévorant, empli de la passion d'autrefois. Tu veux respirer son air, dévorer ses lèvres pulpeuses, t'approprier sa langue si délicieuse au parfum de nostalgie. Ton cœur n'avait pas battu ainsi dans ta poitrine… depuis que tu l'as quitté huit ans plus tôt. Tu as l'impression de revivre. D'être à nouveau, entière. Tu as bien du mal à rompre ce baiser mais tu te rappelles tout juste que vous êtes dans un lieu public. Que peut-être tout ça est trop ostentatoire. Puis quand tu t'écartes, tes mains restent de part et d'autres de ses joues mais la peur se lit dans ton regard. Elle a dit qu'elle ne pouvait pas te rejeter n'est-ce pas ? Il est peut-être un peu tard pour y réfléchir. Tu lui souris. « Ça aussi, ça m'avait manqué. » Est-ce un peu d'effronterie dans tes yeux encore humide d'avoir dévoilé les tourments de ton âme ?